Des articles sur les écluses à poissons ont été publiés dans les numéros 52, 67 et 78 du tambour. A l’occasion des journées du patrimoine 2020 nous proposons  une partie de ces témoignages.

L’île de Ré n’a jamais été une île de pêcheurs et de marins mais, avant tout, une terre de paysans et de sauniers. Une terre ingrate ne produisant qu’avec la sueur et l’obstination des paysans qui labouraient et amendaient le sol avec le sart, goémon arraché à la mer. Longtemps, la mer a apporté, aussi, une partie de la nourriture à la population, repliée sur elle-même, faute de moyen de transport.

Pour subvenir à leurs besoins, les Rétais ont construit des nasses, des filets, des écluses.

Le renversement des marées permet la capture des poissons, lorsque la mer se retire, dans ces pêcheries en pierres. On en retrouve les traces depuis plus de mille ans sur l’ile. Dans une Charte de 1017, un impôt, le cens, est (déjà !) prélevé, pour les écluses de Sainte-Marie–de Ré. Vu l’ancienneté de cette imposition, elle ne sera remise en cause qu’à la révolution.

En 1408 il est mentionné trente-quatre écluses dans le canton de Saint-Martin.

La construction des écluses s’est multipliée avec l’accroissement de la population et les famines. Ces nombreux ouvrages sont reconnus utiles à la protection du rivage, au renforcement de la côte, mais attirent l’attention du pouvoir.

Les conflits entre les affaires maritimes et les détenteurs d’écluses ont été permanents jusqu’à nos jours. Toutes ces pêcheries sont accusées, sous prétexte de concurrence avec les autres pêches, d’être la cause de naufrages, d’échouages, de destruction des petits poissons. Elles doivent être démolies. François 1″, Henri Ill, Louis XI V et Colbert, vont promulguer des lois pour les limiter ou les détruire.

Le ministre de la marine de Napoléon III, Théodore Ducos, va engager une lutte sans merci contre elles.

En 1853, une commission inspecte les écluses de l’île et ordonne la destruction de 54 d’entre elles sur un total de 132. C’est ainsi que 3500 personnes (soit 20% de la population} seront privées d’une partie de leur nourriture. Sous la pression des Rétais, la construction sera de nouveau, autorisée.

Au XIX ème siècle, l’île comptait 140 écluses dont 19 à Ars qui s’échelonnaient du Martray au Bas­Rhin (Combe à l’eau) : Damas, Vire-bouquette, Concarneau, Chanchardon, Le Jard, La Marguerite, La Sauterelle, l’.Ecluseau, l’Ecluse-Neuve, la Tripe, Motronne, Grand·Grignon, Né-Grignon, Bemicard, Belle-Noue,Tembloine, Grand-Nouron, Petit-Nouron, La Blouse.

En 1982, il en restait treize dans toute l’île, aucune à Ars. En 2013 on en dénombre quatorze, dont une à Foirouse.

 

Le rôle de protection des écluses

Le but premier des écluses était la pêche. Il ne faut pas, néanmoins, négliger le rôle de protection des rivages.

Parole d’un ancien

Une fois avec ma femme, je regardais la côte, la mer était grosse, quand j’entends derrière moi «  Alors Marius, t’es content ? Puis : Bande d’andouilles si vous aviez gardé Grignon, çà n’s’rait pas arrivé. C’était Henri Caillaud : on a perdu l’Hirondelle aux Portes, la mer a reculé la dune de 20 m. C’est bien réel, les écluses coupaient les courants. Combien de fois je J’ai vu. Quand l’écluse existait, que la mer était grosse, dans l’enceinte tout était calme, la mer ne tapait pas dans les falaises.

Un décret du 24 mai 1965, une fois de plus, interdit toute construction ou renouvellement d’écluses ainsi que tout transfert entre vifs ou pour cause de décès. De telles décisions provoquèrent de vives réactions. Les protestations restèrent sans effet, comme le plaidoyer précisant que

Les écluses constituent un système de défense indispensable pour la protection du littoral et que leur disparition nécessitera l’édification obligatoire de digues ou d’épis qui coûteront considérablement à l’Etat .

On s’attend à ce que l’auteur de cette phrase ajoute «  À bon entendeur, salut  ! » C’est ce que nous vivons aujourd’hui. Pourtant, malgré d’aussi brillants états de service, elles furent toutes abandonnées entre 1964 et 1975. Étaient-elles devenues moins poissonneuses ? Peut-être que les pierres, vieilles et très délavées, n’attiraient plus le poisson, peut­ être qu’au contraire, enduites de pollution, elles le repoussaient, mais elles jouaient toujours leur rôle de protection.

Pour ne pas terminer sur une note pessimiste, quels que soient nos regrets, comme René Brunet, rappelons :

  • la singulière invitation de l’écluse de Bernicard,

Dimanche 27 avril 1947, venez danser la biguine et la polka à la salle municipale en bottes ou en sandales, avec toute votre famille à 22 heures 

  • et l’amusante composition d’un de nos chansonniers du terroir «  Les trois écluses d’Edouard Menuteau (Mai 1947) » véritable page de notre histoire d’Ars.
Carte des écluses du littoral d'Ars

Les photos aériennes ci dessous montrent l’évolution du littoral entre 1950 et 2010, en particulier la disparition des écluses. On peut distinguer sur le cliché « 2010 est » les murs de l’écluse de Foirouse. 

Ces clichés ont été téléchargés à partir du site de l’IGN Remonter le temps (ign.fr) 

Photo aérienne de 1950 partie ouest du littoral
Photo aérienne 2010 partie ouest du littoral
Photo aérienne 1950, partie est du littoral
Photo aérienne 2010 partie est du littoral