Bien qu’il n’est pas fonctionné très longtemps (à peine quarante ans), le petit train de l’île de Ré est resté un mythe pour tous les habitants qui en ont entendu parler par les anciens.

A l’occasion des Journées Européennes du Patrimoine 2021, l’AIA a organisé un exposition et des conférences sur ce premier moyen de transport en commun mécanisé.

Les conférences ont été animées par monsieur Patrick Deludin qui a accepté d’écrire un article pour le Tambour d’Ars de janvier 2022.

Des rails dans l’île de Ré

Il faut bien se l’avouer, certains « continentaux » ont longtemps pensé que notre île était arriérée.

Pourtant, à la fin du XIXe siècle et comme un peu partout en France, les communes furent desservies par une ligne de chemin de fer qui, comme ailleurs, ne devait rien au hasard.

Aujourd’hui, l’existence de ce réseau ferré a été un peu oubliée, malgré de nombreux vestiges toujours présents.

Une origine révolutionnaire… ou presque

Il faut remonter à la révolution française, pour parler de la création, sur une proposition de Condorcet, des départements et des préfectures. Celles-ci ont été implantées au centre de ces nouvelles limites pour que les citoyens les plus éloignés du chef-lieu puissent s’y rendre, y traiter leurs affaires puis retourner chez eux dans la journée… par les moyens de transport en commun de l’époque, les diligences.

Puis la révolution industrielle du milieu du XIXe siècle vit l’apparition des locomotives. Le réseau ferré français, établi à l’écartement de 143,5 cm, est alors partagé entre 5 compagnies ayant chacune des gares distinctes disposées autour de la capitale en fonction de la région à desservir, constituant ainsi « l’Étoile de Legrand ». Ça n’a pas changé…

Ces différents réseaux avaient pour objectif de relier toutes les préfectures à Paris, mais pas tous les recoins des départements.

En 1877, Charles de Freycinet, ministre des Travaux Publics, propose alors de compléter ces grandes lignes par des réseaux indépendants permettant l’aménagement du territoire et le désenclavement des zones isolées. Ainsi naissent les « chemins de fer secondaires » ou « d’intérêt local », le plus souvent établis en voie d’un mètre d’écartement, la voie métrique, qui relient aux préfectures la plupart des autres communes, dans chaque département.

Un train… de sénateur

Ré, comme Oléron, va en conséquence faire l’étude du tracé, même si La Rochelle, qui a remplacé Saintes en 1810 en tant que préfecture, est située sur le continent. Lors de sa séance du 12 avril 1877, le Conseil Général de la Charente-Inférieure (qui deviendra en 1941 la Charente-Maritime) commença à évoquer la création d’une ligne de chemin de fer en Ré. De nouvelles délibérations furent prises lors des séances du 10 avril 1878 et du 21 août… 1886.

Finalement le tracé définitif et l’écartement métrique seront retenus et, le 2 août 1891, la « Société Locale d’Exploitation de la Voie Ferrée de l’Île de Ré » était constituée. De nombreux embranchements agricoles et salicoles devaient permettre d’exploiter au mieux les productions locales. L’État concéda au bout du compte cette  ligne, comme d’autres sur le continent, au département, qui les rétrocéda au groupe Jeancard par la convention du 3 novembre 1892, les intégrant dans le réseau des Économiques des Charentes, les EC.

En cette fin de XIXe siècle, l’automobile en est à ses balbutiements, et les routes ne voient passer dans un nuage de poussière que des diligences en guise de transport en commun, des malles-poste un peu plus rapides dans le meilleur des cas, mais dans des conditions toutes relatives de sécurité et de confort.

Il faut donc avoir à l’esprit que ces trains de réseau secondaire ne sont alors pas traités de « tacots » ou de « tortillards » : chaque village veut avoir sa gare et « son » train, symbole de progrès et de modernisme.

Déclaration au Journal Officiel du 15/8/1898 .origine BNF