L’église fortifiée au XIVe siècle

Charles IV le Bel meurt, sans héritier, en 1328. L’accession de Philippe de Valois, son neveu, sur le trône de France découle d’un choix politique afin d’éviter que la couronne ne passe dans les mains d’un « étranger », Édouard III d’Angleterre, pourtant petit-fils de Philippe le Bel. Mais ce choix ne peut qu’aviver les rivalités entre souverains français et anglais. Ce conflit, appelé guerre de Cent Ans, entrecoupé de trêves plus ou moins longues, opposera de 1337 à 1453 la dynastie des Plantagenêt à celle des Valois et, à travers elles, les royaumes de France et d’Angleterre.

Aux raids dévastateurs, les chevauchées, vont succéder coups de main, opérations de brigandage et razzias sur les littoraux et les îles. En 1347, l’abbaye de Saint-Michel-en-l’Herm et ses métairies sont pillées ; puis de nouveau en 1452 par le vicomte de Thouars, Louis d’Amboise. De son côté, Ré est plusieurs fois saccagée : en 1387, 1388, 1404 – où « plusieurs des habitans d’icelle ont esté arsez, gastez et rançonnez par plusieurs fois, et tant […] qu’à grand peine y peuvent-ils vivre [1] […] » et en 1457. La paix ne sera signée qu’en 1475, ce qui n’empêchera pas une reprise des hostilités de 1491 à 1493 et des activités ennemies signalées sur les côtes en 1511, 1512, 1514…

Pendant ces guerres, lorsqu’il y avait invasion, la population tentait de se réfugier dans les églises, espérant que la sainteté du lieu la protégerait des violences coutumières. Pour plus de sûreté, les habitants en sont venus à fortifier ces édifices religieux : les églises de Sainte-Marie et de Saint-Martin (« le Grand fort »), le prieuré-cure saint-Étienne d’Ars et le prieuré de la Cleraye (au Bois). On ne sait quand ont été construits les châteaux qui entouraient les églises de Sainte-Marie et d’Ars, mais c’est surtout après 1347 qu’on a travaillé à « fortificationer » La Rochelle et c’est aussi à cette date que l’abbaye-mère a été saccagée et pillée.

L’insécurité chronique des premiers siècles du peuplement des trois îles, puis la guerre de Cent Ans, auront poussé très tôt les habitants à établir des lieux de repli capables de résister à un assaut passager. Il semble que ce soit au XIVe siècle que, dans les principaux bourgs, des enceintes ont été élevées autour de ces refuges ; elles auront, ensuite, été renforcées progressivement jusqu’au cours de la seconde moitié du XVe siècle. Comme le révèle une transaction passée en 1467 pour l’église de Sainte-Marie, de talus surmontés de palissades de pieux, les défenses sont devenues de hauts murs s’appuyant sur un épais talus intérieur et plongeant leur base en des douves sèches, avec tours, douves et pont-levis dont les habitants assuraient la garde [2].

 

Meutrière intérieure de l'église @Jacques Boucard
Meurtrière extérieure de l'église @Jacques Boucard

Le plan dressé par Houin le 26 ventôse an II (16 mars 1794) nous apporte des précisions importantes sur le mur du « château » de l’église d’Ars, à une époque où ruiné, il venait juste d’être démoli pour aménager la place et favoriser les exercices militaires [3], la rehaussant ainsi que ses contours de plus d’un mètre. Comme le précise la légende du plan, le mur « a été vendu et démoly jusque dans ses fondemants qui se sont trouvés de 6, 7 & 8 pieds et dans lesquels il a été trouvés de vielles Embrasures et des anciens Crénaux. »

Plan réalisé par Houin en 1794

Au sud, le mur ancré à l’angle sud-ouest du transept, se développe autour de la nef et devait s’appuyer sur l’angle nord-ouest du transept, enfermant une zone appelée dans les textes « circuit de l’église ». L’importance des fondations, la qualité des pierres (qui pourront être réutilisées pour réaliser le dallage de l’église en 1762) et la présence d’embrassures et de créneaux plaident pour un ouvrage robuste capable de résister à des assaillants. Trois ouvertures dans le mur (une au nord, une à l’ouest et une au sud), facilement obtruables, permettaient l’accès à l’enceinte protégée. De même, une porte située au sud de la nef ancienne, près du pignon ouest, aujourd’hui murée, pourrait être un accès sécurisé pour pénétrer dans l’église ; ses faibles dimensions (hauteur et largeur) plaident pour cette hypothèse, un homme – de surcroît armé – ne pouvant la franchir qu’en se glissant de côté.

Lors des travaux de restauration, en 2019, on a retrouvé dans le mur est du transept de l’église du XIIe siècle une embrassure verticale permettant de couvrir les arrières du « château. » De même, deux moellons percés d’une meurtrière, provenant du mur du château, ont été utilisés en réemploi dans le mur sud de l’actuelle nef. La présence d’un puits à l’intérieur de la zone remparée permettait de désaltérer la population réfugiée, sans crainte d’utiliser une eau empoisonnée par des assaillants.

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