Les travaux avancèrent vite puisque le premier train de voyageurs circula le 9 juillet 1898, tandis que la ligne fut ouverte aux marchandises le 1er septembre de la même année.
Dès le début, le succès fut considérable et les voyageurs affluèrent au point que, dès l’été 1898, il fallut aménager sommairement avec des bancs et des rideaux à la place des volets 4 wagons couverts pour compléter les voitures à voyageurs en nombre insuffisant.
Le tracé, d’un bout à l’autre de l’île, se développait sur près de 37 km, auxquels il faut ajouter la desserte du phare des Baleines que M. Jeancard avait souhaité établir en son nom propre sur des terrains lui appartenant. Il aura un beau succès touristique au cours de sa brève vie.
Cette antenne fut même prolongée pour desservir une éphémère usine d’iode. Un autre embranchement desservait la distillerie Auger, à Sainte-Marie.
L’ensemble du parcours se faisait en 2h15, ce qui était nettement moins que la diligence, et surtout permettait à tous de circuler et de transporter des marchandises encombrantes, notamment le sel, richesse de l’île.
Toutes les communes étaient desservies, sauf Loix malgré un projet dont le tracé devait franchir le chenal des Éveillards, mais qui fut abandonné. Il fallait donc se rendre à la station du Feneau (parfois nommée Le Feneau-Loix), et faire à l’époque appel au passeur, ou suivre le sentier submersible, aujourd’hui en bien triste état et dont le pont a disparu : la route, qui passe par le pont du Feneau et existe toujours, obligeait à faire un grand détour pour qui était à pied.
Les gares de deux types avaient été construites en bordure des villages, pour limiter les expropriations avec bâti. Seules les communes de Saint-Martin et d’Ars bénéficiaient de stations en « centre-ville », sur le port.
Les installations les plus importantes se trouvaient à Saint-Martin, dont le vaste dépôt et les installations portuaires en faisaient le centre névralgique. Le train entrait et sortait, après remise en tête de la locomotive, par la porte Toiras, dont la voûte porte encore la trace des passages, la suie étant incrustée dans la pierre.
Aux deux extrémités du réseau avaient été édifiées des remises pour y garer les locomotives en fin de journée. Celui des Portes existe toujours, occupé par les Pompiers.
À Sablanceaux, le train était en relation avec les bateaux à destination du continent – et de la préfecture ! Un quai en béton et une voie de 600 mm non motorisée permettait d’acheminer les bagages sans trop de fatigue. Tout ceci disparaîtra en 1988 lors de la construction du pont, en même temps que la gare en bois atypique, qui servit longtemps de bureau aux Croisières Inter-îles.
À La Flotte, l’étendue initiale comportait des voies faisant le tour du port, qui seront déposées progressivement pour disparaître totalement en 1905. La commune aura d’ailleurs la particularité de posséder deux stations successives, puisqu’après 1929 la gare, campée jusqu’alors sur le cours Chauffour face au célèbre restaurant, migrera près du cimetière.