Ce texte nous a été confié par Lina Fonteyne dont le papa était ingénieur aux ponts et Chaussées à Ars en 1955.
Mardi Gras, t’en va pas…
Mardi Gras m’a laissé des souvenirs de grande rigolade, quand j’ai été assez grande pour rire aux éclats à entendre Paul Verdon raconter à mes parents ses frasques de Carnaval, jeune homme mais aussi plus tard.
Les volets décrochés dans la nuit et réunis, en vrac, sur la place de l’église, comme ça s’est fait à nouveau cette année, il nous en avait parlé ;
La moutarde, tartinée sans ménagement sur les poignées de porte, à une époque où la moutarde ne manquait pas comme aujourd’hui dans les rayons des supermarchés, où on en trouvait sans difficulté chez Marie Barbotin ;
La boite d’allumettes dont le couvercle était inversé ; ma mère en a fait les frais, toutes les allumettes tombant dans la casserole, car bien sûr, on craquait l’allumette APRES avoir rempli la casserole et l’avoir posée sur le gaz ;
Tout cela, ce sont des taquineries, et la seule réaction possible est de rire avec celui qui vous a joué le tour, tout en réfléchissant éventuellement à la manière dont on pourrait lui rendre la pareille…
Mais j’ai aussi un autre souvenir, très ancien. J’ai 3 ou 4 ans. Je suis debout sur le petit tabouret sur lequel aujourd’hui je pose mes pieds quand je travaille à l’ordinateur. Je suis devant la fenêtre, au premier étage de la maison du port, et je regarde avec sans doute un grand étonnement arriver un convoi joyeux, bruyant et chamarré ; y avait-il l’harmonie municipale, sans doute. En tout cas il y avait un grand bonhomme en foin dans une charrette.
Et soudain, l’horreur. Le bonhomme prend feu. Et de grandes flammes montent très haut. Je suis terrifiée.
Maman m’a dit que j’avais hurlé. Mais comment pouvais-je savoir, et à plus forte raison comprendre, que brûler le bonhomme Carnaval faisait partie de la fête ? Peut-être ne le savait-elle pas elle-même, elle qui n’était pas rhétaise. Mais elle n’a pas eu peur. Moi, si, tellement que je m’en souviens encore.
Et quand j’y repense aujourd’hui, presque 70 ans plus tard, j’imagine avec amusement ce que diraient les services de sécurité maintenant…les pompiers qu’il faudrait monopoliser, les extincteurs qu’il faudrait avoir à proximité (et qu’il aurait fallu réviser auparavant), l’assurance qu’il faudrait contracter, les barrières qu’il faudrait mettre autour du brasier, les annulations à envisager parce que trop de vent, trop de risques, les informations à distribuer aux habitants afin que chacun sache ce qui va se passer, et pourquoi. Même les petites filles de 4 ans.
J’ai toujours eu peur du feu. Est-ce depuis ce jour-là, docteur, qu’en dites-vous ?
Lina Fonteyne-Dupuis