Quand William Barbotin immortalisait la récolte de l’escourgeon de Ré.
A l’occasion des journées du patrimoine 2017 et de la remarquable exposition consacrée au célèbre peintre casseron W. Barbotin, le public a pu admirer, entre autres, un vaste tableau dont l’artiste avait fait don à la commune d’Ars : « La moisson à l’île de Ré » ( 1892). Le paysage fixé sur la toile a dû être réalisé au début de l’été, probablement fin juin. Il est situé à l’ouest de la commune et l’on aperçoit au loin le clocher qui domine.
Un paysan, avec sa faucille à la main, s’apprête à moissonner, tandis qu’à ses côtés une femme agenouillée est en train de couper l’orge (1). Les deux autres femmes rassemblent les épis pour en faire des gerbes ou javelles.
Il est à remarquer l’aspect vestimentaire de l’époque : l’homme avec un pantalon bleu, une chemise de toile blanche à manches longues et le petit gilet sans manches, la tête recouverte d’un chapeau de paille,le chapiâ.. Les femmes ont une robe de toile, le jupon (elles en portaient plusieurs), de couleurs différentes, bleu ou rouge, avec un grand tablier et un corsage, appelé caraco ou camisole avec de grandes manches. La femme agenouillée et celle qui est debout sont coiffées de la célèbre quichenotte, alors que la paysanne courbée qui rassemble les épis a une petite coiffe de forme carrée sur la tête.
Occasion de rappeler qu’à cette époque les femmes participaient à la plupart des travaux des champs qui étaient très physiques et principalement manuels.
Didier Jung dans son livre, « les anarchistes de l’île de Ré », écrit au sujet de cette toile et de l’artiste :
« … il joue à la fois sur la composition, la matière picturale et la lumière pour magnifier une scène rurale. On y reconnaît dans le rendu parfait des tissus et des dentelles, la patte du graveur. En pleine ère industrielle, c’est paradoxalement le travail des paysans qui inspire le peintre. En faisant ce choix, Barbotin s’inscrit dans le courant naturaliste de l’époque, incarné par Millet. Éminemment classique, l’art pictural
de Barbotin est un mélange d’ordre et de clarté, de précision et de mesure, des qualités qui, a priori, se conjuguent mal avec une âme d’anarchiste …. ». (2)
Ce tableau, se trouve toujours dans la salle des mariages de la mairie d’Ars.
L’escourgeon de Ré est une variété ancienne d’orge d’hiver qui fait partie de la variété génétique des vieux français à 6
rangées de grains, dénommée orge à 6 rangs, par opposition aux orges à 2 rangs de printemps ou d’hiver. Cette orge d’hiver se distinguait par sa productivité et sa précocité.
Toutefois elle était sensible au froid et à la verse, mais reconnue pour sa résistance au virus de la mosaïque.Elle fait partie des variétés de référence des espèces d’orge de
« vieux français ». La première variété de lignée pure, « hâtif de Grignon (3) », inscrite en France en 1937, devait
être sélectionnée dans la population d’escourgeon « île de Ré ». L’escourgeon de Ré représente encore, pour l’INRA (Institut National de la Recherche Agronomique) qui l’a conservée dans ses collections, une source potentielle de la diversité génétique. Cette céréale, était autrefois cultivée
dans l’île de Ré, principalement sur les bosses des marais et semée à l’automne. Orge à paille, employée pour l’alimentation animale (grains et farine), elle était utilisée également en brasserie.
« Escourgeon », dans le calendrier républicain, était aussi le nom donné au 4éme jour du mois de Fructidor (21 ou 22 août selon l’année).
Michel Pelletier In paisan Rétas
(1) en fait une variété locale d’orge, « l’escourgeon de Ré »
(2) « Les anarchistes de l’île de Ré » de Didier Jung – Editions Libert
(3) Non pas « Grignon » le quartier d’Ars en Ré, mais « Paris-Grignon » siège de l’École Supérieure d’Agronomie.