La visite de Sadi Carnot dans l’île de Ré ,et plus particulièrement à Ars,  à l’occasion de l’inauguration du port de La Pallice est traitée dans le numéro 91 du Tambour d’Ars de juillet 2020. Vous trouverez ici des informations complémentaires issues d’articles parus dans le Courrier de La Rochelle du 24 aout 1890 et disponibles sur le site BNF-Gallica. Certaines des illustrations proviennent de la revue Le Monde Illustré du 30 août 1890 également disponible sur le site BNF-Gallica. Les photos ont été colorisées.

Relation de la visite

Discours du Maire d’Ars

Discours du Préfet le 19 Août

Les illustrations du Monde Illustré du 30 août 1890

Article du courrier de La Rochelle du 24 août 1890

Le voyage de monsieur le président à l’île de Ré s’est accompli dans les conditions les plus strictes du programme, tracé d’avance, minute par minute et au milieu de l’enthousiasme indescriptible des populations rétaises.

 À 7h précises avait lieu l’embarquement au vieux port, à bord de l’Elan. Le président était accompagné de sa maison militaire, de messieurs Delmas, Lemercier et Brault députés, de messieurs Barbedette et Combes sénateurs, des généraux qui figuraient aux réceptions officielles et d’une dizaine d’invités ; en tout 25 personnes environ.

L’excursion avait pris un caractère intime, dégagée de la mise en scène officielle.

Le temps un peu menaçant au départ s’est vite mis au beau, et le soleil tempéré par une brise délicieuse n’a cessé d’être de la partie.

L’aviso l’Elan a traversé l’escadre mouillée en rade de la Pallice et a rendu les honneurs au passage du président.

À 8h avait lieu le débarquement à Saint-Martin. Monsieur Ménager, maire, a souhaiter la bienvenue à monsieur Carnot. Les troupes de la garnison était sous les armes. Le cortège s’est formé ayant à sa tête 12 gendarmes à cheval, appareil militaire auquel les insulaires étaient peu habitués.

 Le défilé s’est effectué en passant sous 2 arcs de triomphe dont un, fort original, était composé de tous les instruments et des produits vinicoles de l’île. C’était vraiment pittoresque de gravir les rues étroites et en pente de la vieille ville de Saint-Martin toute pavoisée, garnie de monde aux fenêtres et lançant ses vivats à celui qui lui faisait l’honneur de les visiter.

 Sur la place d’Armes avait été dressé une estrade parfaitement décorée, où se trouvaient rangées toutes les autorités de Saint-Martin. Il y avait une cordialité charmante dans cette réception ou tout le monde n’avait qu’une pensée, c’était de faire bon accueil au premier chef d’Etat qui mettait le pied sur le sol rétais. Nous en avons pour preuve que l’incident suivant, qui fait grand honneur à monsieur le docteur Kemmerer. Monsieur Kemmerer a longtemps combattu le parti républicain dans l’île, mais il a tenu lui-même, comme preuve de l’excellent esprit qui animé les populations de l’île à venir saluer Monsieur Carnot et a lui faire hommage d’un exemplaire de son histoire de l’île de Ré à laquelle il ajoutera certainement un chapitre écrit avec son cœur, quand il en fera une nouvelle édition pour relater la venue de monsieur Carnot à l’île de Ré .

 Le cortège est sorti de la ville par la porte des Campani que l’autorité militaire avait ornée avec un gout parfait avec les panoplies de l’arsenal de Saint-Martin.

 La commune du Bois, que ne traversait pas le président, avait érigé à la jonction de la route un arc de triomphe sous lequel le maire et le conseil municipal vinrent présenter leurs hommages au président.

 Très peu de monde à l’arrivée à la Couarde. On n’attendait le président qu à 9h30. À la nouvelle de l’arrivée de monsieur Carnot toute la population arriva en foule sur la place. Le maire, monsieur Mourat s’empressa d’accourir et dit au président avec une bonhomie charmante : « Monsieur le Président, vous arrivez trop tôt, je n’ai même pas eu le temps de finir d’écrire mon discours mais ça ne fait rien je vais vous le lire quand même » et ce brave monsieur Mourat a débité sa harangue avec une richesse d’expression qui avait la véritable couleur locale. C’était une note humoristique en dehors des formules habituelles, qui a mis en joie toute la suite du président.

Le colonel Chamoin a dit un mot aimable au petit bataillon scolaire, qui se trouvait sous les armes ;   jamais ces petits bambins n’avaient eu l’honneur d’être commandé par un colonel de la maison du Président.

 Le cortège a repris sa marche en traversant la grande rue de la Couarde et en passant sous une série de guirlandes de verdure. En outre de l’arc de triomphe monumental de la place signalons un autre arc de triomphe représentant une tour Eiffel tout en verdure et d’un agencement fort original. L’enthousiasme de cette bonne population était inénarrable.

 Le voyage s’est ainsi continué sur la route de la Couarde à Ars au milieu d’un concours énorme de population. Ces braves gens avaient pris soin de balayer la route et de l’arroser sur tout le parcours du cortège présidentiel si bien qu’on ne fut nullement incommodé par la poussière pendant tout le trajet. On n’était pas sur la route d’Aytré à La Rochelle un jour de retour des courses.

La commune de Loix avait pris le même soin que la commune du Bois. A la Passe un superbe arc de triomphe était dressé, ayant à son sommet un énorme bateau, mâté en brick avec tout son gréement dans lequel manœuvrait des marins. Le maire présenta son conseil municipal. Toujours même cordialité, même entrain, dont personne ne pouvait se défendre. C’était pour tous une véritable partie de plaisir. Sur la banquette d’un modeste omnibus se trouvait installés des personnages de marque que monsieur Bouquet de la Grye égayait de ses spirituelles réparties. Avec cet humour charmant qui fait le fond de son caractère il disait à monsieur Couneau (que monsieur le président de la République avait convié au voyage de l’île de Ré) qu’après examen du type de la population, il était convaincu que les habitants de l’île avaient pour origine une migration phénicienne et que Carthage avait dû envoyer des marins fonder une colonie à l’île de Ré ; grande surprise de notre adjoint, originaire de l’île qui ne soupçonnait pas descendre des Carthaginois.

 On fit un instant une halte au Martray pour voir la mer sauvage comme disent les insulaires. Ce temps d’arrêt était bien justifié. Monsieur Carnot fut vivement impressionné à la vue de cette superbe plage de sable, de cette mer s’étendant à l’infini, et qui venait doucement mourir sur ce sable fin, après s’être brisé au loin sur les rochers donc toute cette côte est hérissée et qui la rend inabordable. Monsieur le maire de la Couarde a essayé de raconter une histoire d’il y a 100 ans, où un bateau anglais pourchassait une corvette française… Mais le cortège remonta en voiture et passa sous un arc de triomphe près du fort du Martray dans lequel.se manifestait le goût et l’habilité d’un artiste de l’île.

Il est 11h quand le cortège officiel pénètre dans le chef-lieu du canton d’Ars. La commune plus peuplée que les précédentes que nous avions traversées avait fait un effort plus considérable pour recevoir le chef de l’État. Sur la place avait été dressé une estrade triomphale où se trouvait rangées les autorités de la commune. Monsieur Simon, maire, exprime au président dans une chaleureuse allocution, que nous reproduisons plus loin, la satisfaction que ses administrés éprouvent de le voir venir au milieu d’eux. On sait quelle bonne grâce monsieur Carnot apporte à toutes ces réceptions, mais il ne peut se défendre d’un véritable sentiment d’émotion en présence de la sincérité et de la modestie charmante de ces manifestations. Là encore comme dans les communes précédentes des petites filles habillées aux couleurs nationales offre des bouquets. La voiture du président disparaît sous les fleurs. Le clergé, pendant toute cette excursion, a conservé le rôle correct qu’on est en droit de lui demander. Dans chaque commune le curé accompagne les autorités locales. Monsieur le curé d’Ars appela l’attention sur la vieille église dont le portail du 11e siècle a le soubassement enfoui sous l’élévation du sol et dans les détails des sculptures sont dignes d’intérêts. C’était prendre le président par son côté faible, lui dont les connaissances en archéologie sont très approfondies. Monsieur Carnot a pénétré dans l’église pour y voir des sculptures sur bois fort curieuses notamment une table de communion que malheureusement nous n’avons pas eu le temps de voir en détail.

Le parcours officiel s’effectue avec une régularité toute militaire. Nous ne sommes pas pressés : nous avons le temps de causer avec cette brave population, qui nous raconte en détail le travail de jour et de nuit auquel s’est livré pour rendre hommage au président « C’est plus beau que le jour de la Fête-Dieu » nous dit une vieille femme. « On n’a jamais fait plus beau chez nous, nous dit un vigoureux gaillard, même le jour de ce comice ou un préfet réactionnaire était venu pour nous convertir à la monarchie ». Un vieux monsieur nous prend à part et nous dit « On a tort, monsieur, de dire que monsieur Carnot est le premier souverain qui vient dans l’île ; Monsieur de Vauban le 5 mars 1692, monsieur le duc de Chartres le 12 juillet 1775 rendirent visite à notre commune et… ». J’aime mieux le discours du maire de la Couarde. De groupe en groupe nous nous plaisions à écouter les conversations de tous ces braves gens exprimant la joie qu’ils éprouvent de tenir le président de la République un instant parmi eux. C’est vraiment touchant de voir l’effort gigantesque que ces braves insulaires ont fait pour rendre hommage au chef de l’État. Devant chaque demeure c’était de petites guirlandes de pins et de tamaris, des fleurs mises aux fenêtres, des femmes qui faisaient tenir de petits bouquets par les enfants qu’elles portaient au cou. Ce n’était pas la note superbe d’une ville qui, comme La Rochelle a fait grand et beau, c’était la simplicité même et charmante d’une population qui se laisse aller à son instinct de bonté et qui donne tout son cœur.

 Encore un dernier village avant d’arriver au phare des Baleines c’est Saint-Clément accumulation de hameaux qui s’échelonnent jusqu’au point terminus de l’île. Saint-Clément ne reste point en retard sur les autres communes. Le cortège passe sous une immense voûte ornée d’une manière vraiment originale et qui prouve de quelle imagination sont doués les habitants de cette commune. Là aussi le maire présente son conseil municipal qui reçoit les félicitations du président et de sa suite. Inutile de dire que dans chaque commune, la musique du lieu est là, à son poste et joue le chant national.

 Une chose que nous sommes heureux de noter, c’est que partout, les habitants ont tenu à ne pas grever le petit budget de leur commune ; ils ont tout fait de leurs deniers ; les femmes ont passé des nuits à tresser des guirlandes ; les hommes ont dressé les échafaudages, les arcs de triomphe, tout est dû à l’initiative privée.

 Nous sommes enfin à la tour des Baleines. Ce n’est pas le moment de décrire ce superbe édifice, phare de premier ordre outillé d’un puissant éclairage électrique. Un détachement de la garnison, envoyé de Saint-Martin pour prendre rendre les honneurs militaires au Président, bat aux champs à notre arrivée. Les gendarmes à cheval se rangent de chaque côté du perron. La mise en scène est simple et superbe à la fois.

 Messieurs les ingénieurs Potel et Drouet reçoivent le président dans le salon du phare dont ils ont la haute direction.

 Après un instant de repos on vient prévenir que le déjeuner servi.

 Monsieur Carnot n’avait pas voulu seulement honorer l’île de sa présence, mais il avait tenu à témoigner à chaque commune, même à celles qui n’étaient pas sur son parcours, l’intérêt qu’il leur portait, en invitant au déjeuner qu’il offrait, tous les maires de l’île. Tous avaient répondu à cette invitation sauf le maire de la Flotte.

 Avant de se mettre à table le colonel Chamoin, avec le soin minutieux qu’il apporte à l’ordonnancement de toute chose indiquait à chacun sa place, quand le maire de la Couarde lui dit « Et bien, où mettez-vous mon adjoint ? « – « quoi vous avez amené votre adjoint ? « – « Sans doute répondit monsieur Moura je ne voyage jamais sans lui ; du reste on l’a enlevé ! ». Le colonel Chamoin avec cette gaieté charmante qui fait le fond de son caractère, part d’un vaste éclat de rire ; il était désarmé. Et voilà comment l’adjoint de la Couarde, la poitrine constellée de médailles, justement méritées du reste, seul de tous les adjoints de l’île eu l’honneur de prendre place au déjeuner présidentiel.

 On sait la préoccupation de monsieur Carnot, au cours de ses voyages. Tous les repas qu’il offre doivent être fournis par les hôteliers du pays. Ainsi pendant tout son séjour à la préfecture de La Rochelle les repas du président était servi par monsieur Léopold Barreau. Au phare des Baleines c’est monsieur Vigier, maître d’hôtel à Saint-Martin, qui a fait le déjeuner. Le menu doit être composé le plus possible de produits locaux et c’est à ce titre que nous donnons quelques indications sur celui du déjeuner du phare des baleines :

Huîtres de Loix,

Palourdes, Pétoncles et Crabes en Buisson

Loubine de Chanchardon

Crevettes du Martray

Pâté du Fier d’Ars… etc.,

Vin blanc de Sainte-Marie, vin rouge de La Flotte

 Et en outre : le café du Grand-Bassam, excellent produit de la factory de monsieur Verdier sur la côte d’Afrique.

Le déjeuner fut charmant et plein d’entrain. La variété des crustacés qui furent servis amusèrent particulièrement les convives.

 Après le repas monsieur Yves Guyot, monsieur de la Grenie et monsieur Guillain, qui, au phare des Baleines, se trouvait tout particulièrement sur leur terrain et escaladèrent rapidement le superbe escalier qui mène à la lanterne du phare. On conseilla au président qui commençait déjà cette rude ascension de ne pas ajouter cette fatigue à celle de la journée. Il parcourut alors les jardins et vint jusqu’au bord de la mer, en face de cet océan sans limite à cette pointe extrême où fini la France dans notre région

 L’embarquement a eu lieu dans un petit estuaire un kilomètre du phare. Les canots de l’aviso l’Elan vinrent prendre à une petite jetée, le président et sa suite. Rien de charmant et de pittoresques comme le rivage où s’est effectué cet embarquement. Une pointe de sable blanc éclairée vivement par le soleil s’avançait dans une mer d’un bleu méditerranéen. Le ciel était d’une ténuité et d’une transparence délicieuse, des milliers d’habitants avaient voulu suivre le président jusqu’au point extrême où il allait quitter le sol de leur pays et envoyer un dernier vivat au premier magistrat de la République.

Heureux celui qui a le loisir d’étudier de près cette curieuse population de Ré, si bienveillante, si simple dans ses mœurs, intelligente et instruite, habituée aux grands spectacles de la nature et dont l’imagination est ardente et persuasive. Il y aurait un charme particulier à parler de ces villages si propres, blanchis à la chaux, éclatant de lumières, qui, sous le bleu intense du ciel, dans ces grandes journées de chaleur, rappellent les sites ensoleillés de l’Algérie.

 Mais il nous faut partir, déjà l’Elan a remisé ses baleinières au porte manteaux et l’aviso se dirige vers La Rochelle en longeant toutes les côtes de l’île. Le président prend place sur la passerelle et expriment à ceux qui l’entourent toute la satisfaction qu’il ressent de son voyage à l’île de Ré.

Quelques personnes à La Rochelle avait vu avec un peu d’ombrage le voyage du président à l’île de Ré mais elles ne doivent point oublier que Monsieur Carnot n’est resté un jour de plus à La Rochelle que pour le consacrer à cette excursion. Les adversaires de monsieur Delmas ont essayé d’insinuer que le conseiller général d’Ars s’était préoccupé d’assurer plus solidement sa situation électorale. Ce qui met à néant de pareil soupçon ce sont les majorités obtenues après chaque élection, majorité tellement considérable que le voyage du président ne saurait les modifier. Monsieur Delmas a voulu récompenser ces braves populations de leur fidélité républicaine en amenant au milieu d’eux le chef de l’État et nos amis de La Rochelle ne doit jamais oublier que si depuis bien des années nous avons au Parlement un représentant républicain c’est grâce à l’appoint considérable des voix de l’île de Ré sans lesquelles eut été assurer le triomphe du candidat réactionnaire.

Ajoutons enfin comme détail secondaire, mais qui répond à une dernière critique, que l’île pour recevoir le président, a fait intégralement les frais de cette réception ; que monsieur Carnot a tenu à offrir le déjeuner au phare des Baleines et que le budget de la ville de La Rochelle n’a rien à supporter comme frais de l’excursion.

 L’Elan continue sa marche par une mer superbe un temps délicieux ; nous voyons.se dérouler toutes les côtes de l’île avec leur découpure. Après 1h30 de marche nous sommes au milieu de l’escadre cuirassée. Comme tout est réglé à l’heure dite nous avons du temps à perdre pour arriver à La Rochelle à 4h.

L’aviso fait alors le tour de chaque bateau cuirassé, qui rend les honneurs au président ; le canon tonne, les matelots sur les vergues pousse le cri de : Vive la République. Les jetées du port de la Pallice sont noires de monde ; l’Elan vient raser les jetées et la population acclame le président.

 A à 4h précises, heure militaire, l’Elan accoste dans le bassin 9 au quai est près de la gare. Cette arrivée vraiment triomphale.

Le président monte dans le train qui lui est destiné pour se rendre aux Courses. Une petite halte a été réparée par l’administration du chemin de fer en face du champ de Courses. Le président en descendant de son train est reçu par monsieur Farran, maire d’Aytré. Trois jeunes filles en costume du pays avec la coiffe à la marandaise offrent les bouquets à monsieur Carnot et l’une d’elles a dit avec une assurance superbe et une distinction charmante un compliment fort bien tourné.

 Le cortège, toujours réglé comme pour l’arrivée du Président se rend sur l’hippodrome des courses où monsieur Carnot est salué avec les vivats le spectateur. Une tribune d’honneur lui est réservée et les courses déjà commencées reprennent avec une nouvelle ardeur.

 Nous n’entrerons point dans le détail des courses qui de l’avis de personnes compétentes ont été cette année plus brillantes que jamais.

Le retour du cortège présidentiel s’est effectué par la route poussiéreuse d’Aytré. C’était la partie la plus pénible du programme de la journée. Certes il n’y avait rien de ridicule à voir ces cuirassiers lancés en ville couverts de poussière comme au retour d’une longue et pénible campagne, mais la population s’est réjouie de voir tous ces beaux messieurs en habit noir, dans des voitures découvertes tout enfarinés de la tête aux pieds.

Nous touchons au terme de la dernière journée de nos fêtes. Le président après avoir retenu quelques personnes à dîner, a quitté la préfecture à 9h pour se rendre à la gare. Nos rues et nos quais était illuminés sur son parcours. La foule partout était compacte et enthousiaste. Tout avait si bien réussi pendant ces 48h, monsieur Carnot avec conquis tant de sympathie parmi nous que la joie et là satisfaction se manifestaient sur tous les visages. La réserve respectueuse qu’on avait remarqué à l’arrivée s’était changé en un enthousiasme indescriptible. Ce départ fut pour le président une ovation sans pareille. Nos concitoyens qui n’ont pas le tempérament du midi s’étaient laissé emporter par l’élan de leur cœur.

A la gare lorsque monsieur Carnot serra pour la dernière fois la main de monsieur Delmas il lui dit « monsieur le maire, dites à vos concitoyens que je vous quitte non pas content, mais profondément touchés de l’accueil chaleureux que j’ai reçu à La Rochelle et que je n’oublierai jamais les 2 jours que j’ai passés au milieu de vous ».

Après le départ du président la retraite aux flambeaux fut vivement organisée. En tête marchaient les cuirassiers, cavaliers superbes qui ont su pendant tout leur séjour apporter une prudence et une habilité extraordinaire au milieu de la foule sans qu’on eût le moindre accident à déplorer. La lumière des torches fait briller leurs casques et leurs cuirasses. Cette masse imposante qui lance des éclairs précède le défilé de la retraite ; les musiques suivent encadré par des milliers de lumières et parcourent nos rues au milieu des acclamations de notre population.

 Ainsi ce sont terminés ces fêtes si laborieusement préparés et qui ont si brillamment réussi. Elles laisseront dans tous les corps un souvenir ineffaçable. Ce que nous nous plaisons surtout à constater c’est l’ordre complet, la parfaite harmonie, l’union absolue qui ont régné jusqu’à la fin. Ni note discordante, ni abstention. Notre population a donné suivant le mot de monsieur Carnot « un grand et noble exemple qui ne saurait être perdu ».

Le passage du cortége vers la rue Thiers
Les maires entourant le président

Discours du maire d’Ars

Monsieur le président de la République. Il ne pouvait échoir au maire d’Ars et conseiller d’arrondissement de ce canton un plus grand honneur que celui de souhaiter la bienvenue au chef de l’État, le grand Carnot, le premier citoyen de la 3e République, tant aimé en France, si honoré à l’étranger et dont les vertus civiques imposent le respect et l’admiration aux ennemis même de notre chère République.

 Les vivats soutenus et les acclamations unanimes dont vous êtes l’objet, monsieur le président de la République, sont plus éloquents que mes paroles pour vous prouver la patriotique allégresse les habitants de ce petit coin de terre où la République est aimée comme un culte que les tergiversations politiques n’ont jamais entamé.

Chaque année au 14 juillet les habitants d’Ars, de ce canton portent leurs vœux ardents à la République à son illustrent président qui, bonheur inespéré, les honore aujourd’hui de sa visite en vrai démocrates soucieux et ami des populations rurales. Aussi est-ce avec fierté et enthousiasme, qu’à cette heure à jamais mémorable dans cette île, ils s’écrient unis dans un élan de reconnaissance et de patriotisme : Vive la France, Vive la République, Vive Carnot !…

Discours du préfet le 19 aout

Monsieur le président de la République. J’ai le très grand honneur de vous présenter ainsi qu’à messieurs les ministres qui vous accompagnent, messieurs les maires du département de la Charente inférieure.

 Je me hâte de rendre témoignage du zèle et du patriotique désintéressement avec lesquels il s’acquitte de leurs multiples et difficiles devoirs.

Représentants des communes et en même temps représentants de la loi dans les communes, ils viennent à ce double titre vous offrir l’hommage de leur respect et de leur fidélité.

Ils sont heureux de saluer en vous, monsieur le président, le digne héritier d’un nom démocratique et illustre, désormais aussi cher à la France pour les bienfaits auxquels il est associé que pour les espérances qui l’autorise, que pour les glorieux souvenirs qu’il évoque.

 Ils entendent aussi, les plus nombreux manifestent une fois de plus leur foi républicaine, tous déférents et soumis envers la volonté nationale si souvent exprimée et pénétrés des devoirs communs envers la patrie, faire acte de loyalisme envers le gouvernement légal du pays dont vous êtes le représentant le plus élevé.

Ayant, pour ainsi dire, le contact immédiat des populations, ils sont mieux placés que personne pour savoir que, dans ce département surtout, où l’instinct démocratique et si fort et le sens pratique si lucide, chaque jour voit croître la majorité qui considère avec raison la République comme la forme définitive des institutions de la France et veut travailler sous son égide, dans l’ordre, dans la liberté et dans la concorde, à l’œuvre, si bien commencée de restauration nationale et de progrès.

Ils savent également que, si votre aïeul a mérité le surnom d’organisateur de la victoire, votre légitime ambition, monsieur le président, est d’être avec le concours des pouvoirs publics l’organisateur de la paix sociale et politique dans notre pays. Ils vous en témoignent leur profonde reconnaissance.

Ils n’oublieront pas davantage le nouveau gage, précieux entre tous, que vous leur donnez aujourd’hui de la sollicitude du gouvernement de la République pour les intérêts de toutes nos communes dont ils sont eux-mêmes les dévoués et très utile serviteurs.

Monsieur le président de la République a répondu qu’il était heureux d’entendre le témoignage du préfet sur l’excellent esprit qui animent les maires dans l’accomplissement de leur devoir. Il les a remerciés du concours dévoué et intelligent qu’ils donnent à l’Administration. Sa présence et celle des ministres sont la preuve de l’intérêt que de son côté le gouvernement de la République porte aux laborieuses populations de la Charente-inférieure.

Les maires, très nombreux, ont vivement acclamé le président de la République.

Le président et son entourage sur l'Elan
Le cortége à Saint-Martin