Le XVIIe siècle et la Contre-Réforme catholique

Le roi Henri IV disparu, les protestants se sentent menacés par la majorité catholique du pays. En décembre 1620, La Rochelle se rebelle contre Louis XIII et se tourne vers l’Angleterre pour reprendre le contrôle des pertuis et du trafic maritime sur le littoral. En mai 1621, l’assemblée protestante met à sa tête le duc Henri de Rohan. Son frère Soubise s’assure de la maîtrise de l’île de Ré. Dès 1622, toutes les églises de Ré sont, de nouveau, dévastées par les Rochelais ; à Ars, « les voutes du chœur sont ruinées », mais en 1627 elles sont recouvertes à neuf ; par contre, le clocher reste encore entièrement à découvert. Toutefois, le débarquement des troupes anglaises et l’occupation de l’île, de même que les combats de la libération, n’entraînent que des dégâts limités. À l’exception de l’église des Portes pillée par les troupes du duc de Buckingham, les édifices du culte sont épargnés par les événements de 1627, mais pendant le siège une partie des notables catholiques s’est enfuie comme le curé Pierre Veillon qui précise « pour la sureté de ma personne [1]. »

Le règne d’Henri IV n’a représenté pour les deux provinces d’Aunis et de Saintonge, profondément marquées par le protestantisme, qu’une brève parenthèse dans le conflit religieux qui a déchiré le pays. La capitulation de La Rochelle en 1628 et l’édit de grâce d’Alès de l’année suivante, deux événements qui marquent la disparition du parti protestant comme force politique organisée dans le royaume.

La Contre-Réforme catholique peut alors se déployer dans les deux provinces et tout particulièrement à l’île de Ré où la communauté protestante ne dépasse pas alors 15% de la population totale [2]. Pour assurer dans de bonnes conditions la renaissance spirituelle du « bon peuple », des moyens humains importants vont être déployés. La densité des clercs dans l’île par rapport à la population devient l’une des plus élevées du nouveau diocèse. Ainsi, à Ars, où un curé et deux vicaires officiaient en 1685, le curé Veillon dispose de 10 vicaires de 1627 à 1629, puis 12 jusqu’en 1651.

La majorité catholique, désormais libérée de la tutelle rochelaise, est bien décidée à se faire entendre ; elle le fait bruyamment à plusieurs reprises, notamment en pillant et détruisant les temples d’Ars et de Saint-Martin. En 1629, on exécute en justice devant l’église d’Ars un paysan protestant, Baptiste Parpaillon. Le 18 mars 1630, le curé d’Ars, Pierre de Veillon, aidé par les capucins de Saint-Martin, soulève une émeute populaire pour démolir le temple et exiger la suppression du culte réformé dans l’île ; ce sera chose faite deux jours après, il ne sera rétabli qu’en 1648. Quant aux pierres du temple, geste hautement symbolique, elles seront transportées à Saint-Martin pour y reconstruire le couvent des Capucins.

Les visites pastorales révèlent que dès 1625 toutes les églises, sauf Saint-Martin, ont été remises en état. Ce rétablissement rapide, qui contraste d’autant plus avec la lenteur de la reconstruction des églises du pays d’Aunis et même de La Rochelle, tient probablement à l’aisance des populations rétaises et à la piété dont elles font preuve [3]. Les visites pastorales ultérieures, notamment celle de Mgr de Laval en 1663, soulignent la qualité de la restauration des édifices ainsi que la richesse de l’ornementation des sanctuaires. Dans les paroisses les plus riches, les édifices du culte connaissent même plusieurs agrandissements successifs.

C’est le cas de l’église d’Ars avec l’aménagement de deux travées supplémentaires et du chœur en 1638 ; la couverture est réalisée par Gabriel Thevenet, maître plombier et couvreur d’ardoises de La Rochelle [4]. Puis, édification de la chapelle des Trépassés entre 1639 et 1642, de celle de Saint-Pierre, fondée par le curé Pierre Veillon en 1642 et bénie le 3 mai 1651. Curé de 1622 à 1651, Pierre Veillon aura profondément marqué de son empreinte l’église d’Ars. L’érection des deux chapelles, formant un pseudo-transept, met un terme à la construction de l’église d’Ars qui ne subira plus que les aménagements, certes nombreux, mais secondaires [5].

Les textes à notre disposition restent muets sur la reconstruction du clocher. On a longtemps considéré la flèche du clocher comme gothique, en réalité il s’agit bien d’une construction néo-gothique datant des années 1640/1650, à l’image de celle de l’église Saint-Jean de Fontenay-le-Comte bâti en 1645 comme l’a démontré Yves Blomme [6]. Sans parler des garde-corps à gros quadrilobes rétablis au XIXe siècle, les courts arcs-boutants redentés des pinacles sont tout à fait incongrus. Quant aux crochets de la flèche, au décor de têtes d’angelots et à l’arcature trilobée de l’octogone, ils sont une belle expression provinciale du répertoire « gothique » louis-quatorzien.

La seconde moitié du XVIIe siècle est marquée par l’abbatiat de Mazarin. Vers 1650, le cardinal est pourvu de ce bénéfice et devient abbé commendataire de l’abbaye de Saint-Michel-en-l’Herm jusqu’à sa mort en 1661, ce qui explique son blason, retrouvé sur un des piliers de l’église d’Ars lors de la restauration de l’édifice en 2020. Dans son testament, le cardinal répartit strictement le partage des revenus de l’abbaye entre la mense abbatiale, pour l’abbé, et la mense conventuelle, pour les moines. Il stipulait que ses revenus en tant qu’abbé devaient être donnés au collège des Quatre-Nations, futur Institut de France. Après sa mort, Louis XIV prend un arrêt stipulant le transfert de tous les bénéfices de l’abbaye au collège des Quatre-Nations, ce qui équivalait à une mort programmée de l’abbaye. Devant l’émotion soulevée, le roi revint sur sa décision en 1662 et seule la mense abbatiale fut transférée au collège.

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